Si l’enseignement du Chinois rencontre un véritable engouement dans de nombreux pays occidentaux, le Ministère de l’Education Chinois, quant à lui, s’inquiète : aujourd’hui près de 400 millions de Chinois ne parlent toujours pas le chinois. Plus précisément, 30% de la population ne peut s’exprimer en mandarin – en putonghua, la « langue commune ». Si ces chiffres sont jugés alarmants, ce n’est pas seulement parce qu’ils trahissent des lacunes dans le système éducatif chinois. Car, pour une grande partie de la population, le putonghua est la langue de l’envahisseur. Refuser de l’apprendre c’est s’opposer à l’effort d’unification et d’uniformisation entrepris autrefois par les Mandchous, et poursuivis depuis par « le gouvernement central ». On n’est pas loin de l’irrésistible village Gaulois…
Petit abrégé d’histoire. Sous la dynastie Ming, la langue officielle était un dialecte Han originaire de Nanjing. Avec l’invasion Mandchoue et l’instauration de la Dynastie Qing en 1644, le dialecte Han fut interdit au sein du nouveau Palais royal installé à Beijing (d’où le surnom de « Cité interdite »). Beijing fut alors divisé en deux territoires ethniques, l’un au cœur du pouvoir utilisant la langue impériale mandchoue, et l’autre continuant à utiliser le dialecte Han de la dynastie Ming. Langue tribale plus primitive, le Mandchou adopta toutefois de nombreux termes du lexique Han menant progressivement à ce que l’on nomme aujourd’hui le Mandarin. Mais dans un pays où cohabitent plusieurs milliers d’ethnies et autant de dialectes, et malgré les efforts d’uniformisation entrepris en 1955 par le nouveau gouvernement communiste, le Mandarin peine à faire l’unanimité.
Enjeu de pouvoir et de contrôle pour les autorités centrales, revendication culturelle et identitaire pour les autres, le mandarin cristallise de nombreuses oppositions, et pas seulement au Tibet ou dans le Xinjiang. En 2010, une foule de jeunes Cantonais manifesta bruyamment son mécontentement lorsqu’il fut question de remplacer le cantonais par le mandarin sur les chaînes de télévision et de radio du Guangdong.
Alors que les discours officiels s’accordent sur la nécessité de « Construire un rêve chinois commun » en accentuant la promotion et la diffusion du Mandarin dans les régions rurales et ethniques les plus reculées, certaines voix, plus rares, commencent à dénoncer un nouveau rival : l’anglais. Ainsi, Wang Xueming, ancien porte-parole du Ministère de l’Education, adjurait récemment les écoles maternelles à remplacer les cours d’anglais par des cours de mandarin.
Un débat qui dépasse le cadre national chinois et qui n’est pas sans rappeler ceux qui agitent régulièrement la France sur la place grandissante de l’anglais. Chinois et Gaulois, même combat ?